Où la malédiction s’invite et rien ne semble pouvoir l’arrêter.

La Malédiction des filles Martin

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C’est dans un cabinet médical lyonnais que ma mère posera finalement ses valises et y terminera sa carrière professionnelle. Elle s’était engagée comme secrétaire, et sa position centrale dans le cabinet médical lui permettra d’être au centre des attentions des patients masculins et même des médecins. C’est d’ailleurs là qu’elle rencontrera Carlo, un fidèle patient… mais pas seulement.
Ses horaires étaient immuables, et tous les soirs, elle terminait à 16h15, ce qui lui laissait normalement 45 minutes pour venir me chercher à la sortie du collège où j’avais finalement atterri.
Après mes multiples absences et redoublements, mes parents m’avaient inscrit dans une école catholique peu regardante sur le niveau scolaire des élèves, mais davantage sur le niveau de revenus des parents. Bref, me voilà embarqué dans des cours de latin et de catéchisme qui ne me passionnent pas plus que les cours de mathématiques et de physique.La routine s’installe, et tous les soirs, je sors à 17h et dois attendre ma mère, qui est censée finir à 16h15 et a donc 45 minutes pour parcourir en voiture les 1500 mètres qui la séparent du collège. Mais elle a toujours une course à faire, la voiture qui ne démarre pas, un médecin qui lui a demandé de rester… Bref, elle arrive généralement vers 17h30, puis de plus en plus tard.
Quand elle me prend, nous partons tambour battant pour rentrer à la maison de Saint-Priest. Nous prenons l’autoroute, et là, chaque soir, elle a un rendez-vous immuable avec le père Denis, un surnom que nous avions donné avec ma sœur à un vieux client du cabinet médical. Le pauvre père Denis a bien du mal à se déplacer à 80 ans, et pour cause : il ne lui reste plus qu’une jambe. Mais tous les soirs, il se tient fièrement, debout avec sa canne, sur le parking d’un centre commercial bordant l’autoroute menant à notre domicile en banlieue.La Diane verte de ma mère fonce vers l’autoroute et je vois notre bon père Denis qui lève sa canne pour saluer sa « jeune » maîtresse, et à chaque fois, une peur m’envahit quand je vois ma mère quitter la route du regard pour lui faire un signe. Bien sûr, je n’en parle à personne.
J’ai développé une capacité à rester assis et à attendre que je pense hors du commun. Il m’est arrivé de rester des heures devant cette école, guettant au loin la fameuse voiture verte qui arrivait tous les soirs un peu plus tard.
Un soir pourtant, je me rebelle. Alors que cela fait deux bonnes heures que j’attends, je décide de prendre le bus pour rentrer au fin fond de ma banlieue. J’arrive vers 19h30 à la maison où je retrouve ma sœur. Mon père arrive, lui, comme d’habitude vers 20h, suivi de peu par ma mère.
Celle-ci rentre dans la maison et se dirige sans un mot vers moi. Arrivée à ma hauteur, elle m’assène une claque qui me fait vaciller et hurle devant mon père : « Ça fait deux heures que je t’attends devant l’école ! Où étais-tu passé ? »
J’essaie de reprendre mes esprits et je dis :
« Mais c’est moi qui… »
Je n’ai pas le temps de finir qu’une deuxième gifle met un terme à mes explications.
Mon père arrive vers moi et rajoute une troisième gifle, histoire de me faire comprendre qu’il n’y a qu’une vérité, et que ce n’est pas la mienne.
Je retombe dans le silence…

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Frank Berty
Instagram : @frankbertyoff
It was in a Lyon-based medical office that my mother finally settled and ended her career. She worked as a secretary, and her central position in the clinic placed her right in the middle of attention—from both male patients and even the doctors. It was also there that she met Carlo, a regular patient…but not just that.
Her hours were set in stone, and every evening she finished work at 4:15 p.m., which typically gave her 45 minutes to pick me up from the middle school I’d eventually wound up in.
After multiple absences and repeating grades, my parents had enrolled me in a Catholic school. This school wasn’t exactly focused on academic performance; they cared more about parents’ income levels. So there I was, stuck in Latin and catechism classes that fascinated me no more than math or physics. Routine set in quickly. Every day I’d get out at 5 p.m. and have to wait for my mother, who was supposed to finish at 4:15 and had those 45 minutes to drive the short mile to pick me up. But there was always a last-minute errand, the car not starting, a doctor asking her to stay a bit longer… Eventually, she’d show up around 5:30, then later, and later still.
When she finally picked me up, we’d head home to Saint-Priest in a rush. We’d take the highway, and every night, she’d have her routine rendezvous with “Father Denis”—a nickname my sister and I had given to an elderly patient at the clinic. Poor Father Denis struggled to move at age 80; after all, he only had one leg left. But each evening, there he was, standing proudly with his cane, waiting on a shopping center parking lot along the highway to our suburban home. My mom’s green Diane sped toward the highway, and there was Father Denis, lifting his cane to salute his “young” mistress. And each time, fear surged in me as my mom took her eyes off the road to wave back. Naturally, I kept this to myself.
Over time, I developed what I thought was an extraordinary ability to sit and wait. I’d spend hours outside that school, scanning the distance for that green car that always showed up a bit later each evening.
One night, though, I’d had enough. After two solid hours of waiting, I decided to take the bus home to our distant suburb. I got back around 7:30 and found my sister there. My dad arrived, as usual, at 8:00, and shortly after, my mom came in.
She entered without a word, walking straight toward me. When she reached me, she slapped me so hard I stumbled. In front of my dad, she yelled, “I’ve been waiting two hours in front of the school! Where were you?”
I tried to catch my breath and replied, “But I—”
I didn’t get to finish before a second slap cut my words short.
Then my dad came over, adding a third slap as if to make it clear there was only one version of the truth—and it wasn’t mine.
And so, I returned to silence…
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Frank Berty 2024 - 2025